No. 9, 28 novembre 2002

Utilit'ERE

Quoi inclure dans une demande de subvention

Malheureusement, les subventions les plus souvent accordées sont celles qui sont les moins intègres ou réalistes en matières de dépenses. Malheureusement car, en minimisant les coûts réels reliés à un projet, ce sont tous les groupes en environnement qui doivent niveler vers le bas pour être " compétitifs " aux yeux des fonctionnaires qui analysent les demandes. Les demandes de subventions qui minimisent les coûts de la main d'œuvre par exemple contribuent à maintenir l'échelle salariale trop basse en environnement. Il serait temps que l'on s'entende, au Québec, pour que les groupes habituent les fonctionnaires à des demandes de subventions qui ont du sens et que l'État réalise que notre milieu a besoin de plus d'argent pour fonctionner.

Voici quelques conseils lors d'une demande de subvention :

  1. Préparez-vous un plan et un échéancier afin de vous aider à prévoir toutes les étapes à franchir dans la réalisation de votre projet. Il faut absolument vous pencher sur les éléments techniques sinon vous sous-estimerez les coûts.
  2. Lorsque vous calculez le taux horaire d'un employé, n'oubliez pas d'ajouter les contributions de l'employeur (11%) et les bénéfices marginaux (vacances, congés fériés, congés de maladie, journées de formation, etc.) (ex: 20 $/ h X 1.11 X 1.25 = 27.75 $/heure) afin d'obtenir le coût réel de chaque heure travaillée.
  3. N'oubliez pas que la plupart des projets prennent plus de temps que prévu. D'où l'importance de bien planifier chaque étape et de ne pas sous-estimer le nombre d'heures nécessaires à leur réalisation. Prévoyez aussi un budget pour les imprévus.
  4. Votre organisme doit assurer 20 à 50 % des contributions, soit en argent ou en nature. Les contributions en nature, c'est tout ce que vous obtenez gratuitement grâce à des ententes. Par exemple, combien vous aurait coûté tel bénévole professionnel (nb d'heures X 30 $ - jamais moins pour les professionnels), ou tout service qui vous est gracieusement offert (local, électricité, Internet, accès à une photocopieuse, etc.) ? Ces revenus en nature servent entre autres à démontrer que vous êtes bien organisé et que vous êtes appuyé par le milieu, que vous avez des partenaires. Regardez bien dans les frais fixes que vous payez annuellement et demandez-vous si la part relative au projet est bien reflétée dans votre budget.
  5. N'hésitez pas à demander un local et certains services gratuits à votre municipalité si celle-ci a avantage à ce que vous réalisiez votre projet sur son territoire et pour sa communauté.
  6. Obtenez des lettres d'intention de toute personne ou institution qui vous offre des dons en nature.
  7. N'oubliez pas d'inclure les coûts en graphisme, en services informatiques (demandez des soumissions), en entretien d'équipements, en ordinateurs, une proportion des coûts du loyer, du téléphone, de l'accès Internet. Prévoyez payer un comptable pour le projet et pour la mission d'examen et autres honoraires externes. Vous obtenez des photos gratuites et les conseils d'un comité aviseur ? Comptabilisez leur valeur en $. En séparant ces éléments des « frais d'administration », les analystes de vos demandes saisiront mieux les coûts de votre projet.
  8. Faite réviser votre demande par d'autres personnes qui vous aideront à améliorer votre demande et à identifier des éléments que vous auriez omis.

Opinion

Mourir et ressusciter à chaque année : voilà le lot des groupes environnementaux du Québec

Int'ERE.net : Quelle est votre préoccupation face au financement des groupes environnementaux ?

Sonia Dumoulin : C'est d'abord la survie de mon organisme et de tous les autres qui me préoccupe. Comme nous, les organismes de base sont confrontés quotidiennement au manque de fonds pour les activités courantes de l'organisme. On manque d'appui, de financement, de représentativité auprès du gouvernement. Les groupes du secteur de la santé et services sociaux négocient très fort pour leur financement de base. En environnement, les efforts sont trop timides. En plus des efforts du Regroupement québécois des groupes environnementaux (RQGE) à ce sujet, les organismes de base et autres regroupements nationaux devraient se préoccuper plus de cette question capitale. Après tout, c'est l'avenir de ces groupes, mais surtout de leurs actions qui en dépendent. Nous visons tous une transformation sociale et environnementale, mais celle-ci nécessite un minimum de conditions de réalisation dont un financement adéquat.

Il y a quelques semaines, une mobilisation de groupes communautaires a eu lieu à Québec pour réclamer du soutien. Il y avait plein de secteurs représentés, mais je n'ai pas vu de groupes de base en environnement. Où étions-nous? On est les moins bien financés. On manque de force de revendication. Pourtant, l'environnement, c'est capital !

Int'ERE.net : Est-ce que le Ministère de l'environnement du Québec (MENV) manque de reconnaissance pour les groupes environnementaux du secteur communautaire ?

S.D. : Je crois que nous avons une certaine reconnaissance, mais le financement ne vient pas. Bravo pour les regroupements nationaux, les organismes régionaux de concertation et les organismes de bassin versant qui sont financés. Mais à quand un financement pour les groupes de base, ceux qui sont avec et dans la communauté, qui fonctionnent selon des principes démocratiques, qui ne sont pas mandatés et qui ne relèvent pas du gouvernement ?

Int'ERE.net : Croyez-vous que l'action communautaire est rentable pour le gouvernement ?

S.D. : Je crois qu'on coûte beaucoup moins cher qu'une institution privée ou que des fonctionnaires et qu'en retour on apporte beaucoup dans les communautés même. Si on accumulait tous les rapports que l'on fournit à la fin de nos projets, tant au fédéral qu'au provincial, on aurait une vue d'ensemble probante des indicateurs de réussite. On verrait, à partir des réalisations et des objectifs atteints, à quel point les groupes de base ont un impact positif et rentable sur le terrain.

Int'ERE.net : Les programmes de subvention qui existent présentement ne sont-ils pas suffisants ?

S.D. : Si on prend les programmes de subvention du MENV soit Action-Environnement et le PAPE (Programme d'aide aux priorités en environnement), ça totalise 925 000 $. Si on distribue ce montant entre les quelque 300 organismes environnementaux qui sont répertoriés par le ministère de l'environnement, ça donne en moyenne 3 000 $ par groupe par année. Et ça c'est pour des projets. Ça n'inclut pas le loyer, l'électricité, l'Internet, etc. Et puisque certaines autres organisations ont avec raison accès à ces sommes, la moyenne est d'autant plus basse pour les autres. C'est catastrophique! Pourtant, ce que nous faisons, le gouvernement n'a pas à le faire (et c'est tant mieux ainsi).

Int'ERE.net : Est-ce que les groupes travaillent ensemble, en partenariat ?

S.D. : Pour avoir du financement, il faut travailler en partenariat avec d'autres acteurs. Ça fait partie généralement des critères qui bonifient un projet. Mais ce n'est pas parce qu'un organisme est partenaire dans un projet en environnement qu'il travaille en permanence en environnement. Ça dépend de sa mission, de ses dossiers, etc. Pour être financé, il faut bien souvent suivre les priorités du gouvernement, ce qui ne correspond pas toujours à la mission permanente de l'organisme. Il faut beaucoup d'imagination pour survivre. On meurt et on ressuscite à chaque année. Il ne faut pas se le cacher, il est fréquent qu'un organisme de base travaille bénévolement quelques mois par année, entre deux subventions.

Int'ERE.net : Avez-vous des solutions à proposer ?

S.D. : Je souhaite seulement qu'il y ait plus de fonds pour le financement de base réservé aux groupes environnementaux, groupes qui répondent à la définition de l'action communautaire autonome, en plus des financements par projets. Et je crois que les organismes nationaux qui nous représentent ont le devoir de veiller à défendre nos intérêts à ce chapitre auprès du gouvernement.

Int'ERE.net : Merci Sonia Dumoulin pour cette entrevue.
S.D. : Merci à vous.

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À quand un cadre national de financement de l'ERE?

Les groupes en ERE ont très bien accueilli la publication par le gouvernement du Canada du Cadre national en éducation relative à l'environnement et à l'avenir viable. La principale raison en est simple: ce document est le résultat d'un processus de consultation mené auprès des groupes qui se sont engagés, plan d'action à l'appui, à obtenir des résultats par des actions concrètes sur le terrain.

Cependant, on y cherche en vain le soutien financier du gouvernement fédéral pour faire avancer les stratégies et les idées formulées par tous ceux qui ont participé à l'exercice. Sur le plan logistique, nous retenons l'engagement d'Environnement Canada à agir comme facilitateur en créant une alliance pour mettre en pratique les idées contenues dans le cadre. Le ministère promet aussi d'assurer un suivi et de publier des rapports périodiques sur les progrès réalisés en ERE. Mais ce ne sera pas suffisant.

Sur le plan financier, Environnement Canada doit s'engager à soutenir les groupes de base, en particulier ceux qui travaillent en ERE. La situation précaire des ONG compromet la poursuite des plans à long terme et rend impossible le suivi réel de l'ensemble des stratégies. Nous le savons tous, beaucoup de groupes ont disparu ou ont été contraints à mettre fin à des projets porteurs faute de financement adéquat.

Le rapport que vient de déposer la Commissaire à l'environnement et au développement durable est à cet égard plus que révélateur. On y lit que « le gouvernement fédéral n'investit pas assez (…) pour lui permettre de respecter ses engagements en matière de développement durable ». Il serait donc souhaitable qu'Environnement Canada annonçe des programmes de subvention qui viennent en appui aux idées contenues dans le cadre. Cela nous éviterait de dresser dix ans plus tard un bilan encore plus négatif que celui que nous avons sous les yeux.

Hugues Harry Lhérisson