Volume 2, No. 8, 27 novembre 2003

Événements

Le 4e colloque de Montréal en éducation à l'environnement :
un carrefour de rencontres

Plus de 35 présentations, des conférenciers de très bonne qualité, une équipe dynamique et dévouée, de la musique d'ambiance extraite de la dernière compilation de chansons sur le thème de l'eau (mise sur le marché par l'organisme Eau secours!), une activité de peinture collective, une journée d'automne ensoleillée,… tout était au rendez-vous lors du colloque de Montréal en éducation à l'environnement le 7 novembre dernier : Eau de source et de ressources.

Cette année encore, plus de 400 personnes se réunissaient dans les locaux de l'école secondaire Père-Marquette pour apprendre, échanger, rencontrer des partenaires et développer des liens : 1/3 d'entre eux étaient des enseignants du primaire et du secondaire. Ce colloque, on le reconnaît, est avant tout un carrefour propice aux rencontres. Il n'est donc pas étonnant que le salon des exposants ait été de loin l'activité qui a le plus fasciné le public.

Le colloque a été possible grâce au soutien financier du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et ses syndicats affiliés : Alliance des professeures et des professeurs de Montréal et le Syndicat des professionnelles et des professionnels du milieu de l'éducation Montréal et de notre députée madame Rita Dionne-Marsolais (Rosemont). Nous remercions tous les bénévoles, particulièrement les élèves de l'école Père-Marquette, ainsi que le personnel de cette institution pour le succès de ce 4e rendez-vous.

Le colloque est organisé par le Comité central de l'environnement de la Commission scolaire de Montréal et l'AQPERE, en partenariat avec le Biodôme de Montréal, la Biosphère d'Environnement Canada, le Centre de la Montagne, la Coalition Eau secours!, le Comité ZIP Ville-Marie, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, la Corporation St-Laurent et le Regroupement de services Éco-quatiers de Montréal

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Opinion

L'essence de la vie
Verbatim de la conférence de Raôul Duguay
Porte-parole du colloque Eau de source et de ressources

Inestimable don du ciel, l'eau est l'essence de la vie, le principe vital qui rend possible la vie sur Terre. Et ce, à un point tel que si l'homme veut conquérir l'univers, émigrer en d'autres lieux habitables dans la Voie lactée, il devra y trouver de l'eau. Car aucun organisme vivant ne peut se passer d'eau sous l'une ou l'autre de se formes. Les organismes vivants sont composés d'eau puisqu'il y a de l'eau à l'intérieur et à l'extérieur des cellules. Privé d'eau pendant 10 jours, l'être humain meurt.

C'est en cherchant les causes premières ou les essences de tout ce qui est que Thalès de Milet qu'on dit le père de la philosophie, trouva que l'essence du monde matériel, c'est l'eau. C'est donc en 624 av. J. C. qu'un être humain déclara que l'eau est essentielle à la vie. Bien sûr, tout le monde le savait déjà. Mais ce que l'histoire a retenu c'est que c'était la première fois que quelqu'un philosophait sur l'eau. Chose curieuse, Thalès de Milet découvrit que si l'eau est l'essence de la vie matérielle, la pensée est l'essence de la vie spirituelle. La pensée définit l'être humain et rend possible la culture et l'histoire.

Devenue la plus inestimable de nos richesses naturelles, l'eau douce est aussi un bien culturel dont la gestion responsable concerne la coévolution des formes vivantes et des habitats, voire la survie de l'humanité. Comme les rapports de l'homme avec la nature ont des implications sociopolitiques et économiques, la durabilité de notre environnement commence par une écologie de l'esprit. Et comme les scientifiques nous prédisent que le premier siècle du troisième millénaire devra être définitivement écologique, sans quoi, il n'y aura plus d'humanité, il nous faut, en tant que citoyen, repenser notre rapport à l'eau, repenser les rapports que notre culture et notre économie entretiennent avec la nature.

À travers l'histoire des cultures, trois conceptions majeures de la nature s'affrontent. D'une part, le tenant d'un libéralisme économique à outrance considère la nature comme une ressource, et la ressource comme une marchandise. C'est pourquoi ils veulent à tout prix la dominer, l'exploiter, la transformer en autant de produits possibles. L'exploiteur industriel qui regarde une splendide chute d'eau, un banc de poissons ou une forêt, pense combien il faudra dépenser pour en faire un produit de consommation rentable. Il ne regardera pas à la dépense s'il peut s'enrichir à partir de ces ressources naturelles, de ces richesses naturelles. Donc le conquérant se sent séparé de la nature. C'est ce qui explique son comportement avide.

Mais, ne faut-il pas faire émerger de l'économie un nouvel humanisme qui donnera un sens à la vie. Car c'est à cause d'eux, les conquistadors de l'or bleu et de l'or vert, que l'espèce la plus menacée sur Terre, c'est l'espèce humaine.

D'autre part, le citoyen sensible a le net sentiment qu'il fait partie de la nature, que la Terre ne lui appartient pas, mais qu'il appartient à la Terre. C'est pourquoi il respecte la nature et s'efforce d'être en harmonie avec tout ce qui vit sur Terre. C'est le cœur palpitant qu'il s'approche d'une fleur, d'un arbre, d'un oiseau. Lorsqu'il arrive près de la chute, il se tait pour écouter la plénitude de sa voix. Il se tait pour boire en son âme la force vitale de sa beauté ineffable. Le simple fait d'être en présence de cette force de la nature le remplit de joie et de paix. Jouir de la beauté de la nature contribue à la santé physique, mentale et culturelle d'un peuple. La dimension symbolique et esthétique de l'eau devrait être considérée comme un palliatif majeur au stress qui dévore les sociétés.

Qu'est-ce qui est le plus logique : un citoyen qui ingère des tranquillisants pour gérer son stress bien assis devant le petit écran et regardant un film sur la nature sauvage, ou bien un citoyen qui respire l'air pur en marchant quelques kilomètres pour aller la contempler. Faut-il attendre qu'il ne reste plus une seule chute vierge, une seule forêt vierge au Québec, pour comprendre enfin qu'elles n'ont pas de prix? La sauvegarde d'une chute, d'une forêt, ne vaut-elle pas le sacrifice de quelques emplois? Ne faut-il pas économiser le futur de la nature? Il n'est pas nécessaire d'être un artiste pour jouir des beautés de la nature, en reconnaître et en défendre la valeur. Il suffit d'être un citoyen sensible à son environnement.

La durabilité de notre environnement commence par une écologie de l'esprit. N'oublions pas que les termes écologie et économie ont la même étymologie : le terme eikos qui signifie habitat, maison. L'écologie, c'est le discours et la science qui président à la gouvernance de son habitat. Comme l'écologie consiste dans l'intégration de plusieurs sciences qui étudient les interactions des êtres vivants et de leur environnement, protéger une rivière, une forêt, un oiseau, un poisson, une berge, c'est protéger un écosystème, c'est protéger la vie. Et comme le disait le philosophe Jacques Dufresne, porteur d'eau à EAU SECOURS! et qui parle beaucoup d'écologie sur son site l'Agora : " L'éthique est l'esthétique de l'âme, tandis que l'esthétique est l'éthique de l'environnement.

Il existe encore un troisième type de rencontre avec la nature. C'est celle du parfait romantique qui la considère comme une force extérieure, une force sacrée qu'il faut vénérer, voire adorer. Ce troisième type, prétextant que seul est naturel ce qui n'est pas encore dénaturé par l'homme, peut facilement tomber dans l'écoterrorisme et vouloir faire sauter tous les méchants profiteurs qui profanent la nature nourricière.

Ces trois différentes perceptions des rapports entre la nature et la culture concernent directement l'éthique sociale, la dignité humaine et la démocratie. L'eau transcende les affaires et la politique. L'enjeu du Sommet de Johannesburg était de taille :

« Mettre le secteur privé au service de la protection de l'environnement
(Louis-Gilles Francoeur, L'actualité, sept. 2002).

Ce ne sont pas les gouvernements qui auront le dernier mot, c'est la nature. Il appartient aux citoyens de dire à leurs élus ce qu'ils pensent de cet enjeu vital. Selon l'éminent écologiste Pierre Dansereau, l'un des 48 porteurs d'eau à EAU SECOURS, la Coalition québécoise pour une gestion responsable de l'eau qui rejoint déjà plus de 925 000 personnes: « La privatisation va à l'encontre de la pensée écologique laquelle exige connaissance, planification et partage, les trois défis qu'il assigne aux sociétés et gouvernements du troisième millénaire.»

Les grands dossiers de l'eau concernent directement chaque citoyenne et chaque citoyen et leurs enjeux mettent en péril la démocratie. Voici quelques thèmes majeurs qui doivent activer notre vigilance : l'embouteillage, l'exploitation commerciale et l'exportation en vrac de l'eau; la privatisation du service de l'eau; la tarification des infrastructures de l'eau; l'installation de compteurs d'eau dans les résidences privées, les institutions, les commerces et les industries; la contamination des eaux souterraines; la pollution agroalimentaire, la pollution industrielle, la pollution des herbiers marins, des lacs, des rivières, du fleuve et des côtes; les programmes d'économie d'eau; la qualité des eaux potables; la propriété de l'eau et la marchandisation de l'eau; les traités commerciaux internationaux traitant de l'eau; l'eau et santé publique; le gaspillage de l'eau.

Parlant de démocratie, n'est-il pas outrageant de constater que sur cette planète, ce sont les pays analphabètes, les pays les plus pauvres, qui sont le plus souvent en manque d'eau potable.? Comme l'or bleu est appelé à devenir la source de l'économie mondiale, les tenants de la privatisation, dont l'alphabet n'est fait que de chiffres, veulent en profiter en faisant fi de la démocratie. Si l'eau est l'alphabet de la vie matérielle, l'alphabétisation est la source vive de la vie intellectuelle et spirituelle.

L'esprit de l'eau pure plane au-dessus de nos consciences. L'esprit de l'eau pure crie EAU SECOURS!


Raôul Duguay
Poète et philosophe
Représentant des Porteuses et Porteurs d'eau à EAU SECOURS!

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