Volume 4, No. 3, 26 mai 2005

Opinion

Walia- compter sur le savoir faire local

Par Monique Trudel, consultante

WALIA, nom emblématique dans une région du Mali, Mopti, où la survie d'une population confrontée aux aléas climatiques et à la sécheresse dépend de l'utilisation des ressources naturelles. WALIA, c'est aussi le nom d'un bulletin «pour mieux comprendre notre milieu naturel» conçu et édité par l'UICN de 1985 à 1992. WALIA, c'est plus de 5000 élèves, des centaines d'enseignants, des intervenants des services techniques : de l'environnement, de l'agriculture, de la pêche, de la santé et de l'éducation; des personnes ressources : les vieux, les artisans, les communicateurs traditionnels (porteurs de masques, marionnettistes, griots, conteurs), qui ont contribué à faire de ce bulletin un savoir local au service du développement durable.

Dès 1985, WALIA voit le jour sous l'égide du projet de gestion des ressources naturelles dans le Delta Intérieur du Niger au Mali. C'est une équipe sensible aux enjeux et consciente que sans la participation de la population on ne pourrait changer les choses, une équipe qui décide de mettre en place un projet de sensibilisation utilisant la publication d'un bulletin trimestriel et des animations auprès du monde scolaire. Il s'agit d'un projet pilote innovateur, où l'évaluation continue des actions se veut le fer de lance du programme. Des rencontres avec les élèves et les partenaires permettent d'évaluer le travail et d'évoluer au rythme des acteurs de plus en plus impliqués.

Le succès de WALIA est attribuable à cette approche qui favorise l'écoute des réalités et des priorités du milieu, de la recherche de solutions simples et adaptées et du dialogue constant avec le milieu, tous les intervenants et les partenaires. WALIA a choisi d'utiliser le savoir local comme base de discussion et de développement de solutions. Elle a appris à se servir des connaissances du milieu, des pratiques et des moyens de communications traditionnels afin que tous puissent s'approprier les solutions et devenir de véritables partenaires dans la gestion durable de leur milieu de vie, que ce soit à l'école, dans la famille ou dans la communauté.

L'édition d'un bulletin trimestriel a représenté le pilier du projet par une approche rédactionnelle interactive où le ton et le langage suscitent directement la curiosité du lecteur, l'amenant à se positionner et à participer. Le choix des thèmes n'est pas fait au hasard. Il reflète les réalités locales, s'inspire des pratiques culturales et des savoirs traditionnels recensés grâce aux enquêtes faites par les jeunes auprès des adultes. Des visites et des animations en milieu scolaire permettent de conforter les thèmes et d'évaluer le niveau de langage. Des discussions tant avec les élèves qu'avec les autorités locales et les services techniques permettent d'identifier les priorités et les solutions potentielles. Les autres intervenants du milieu, soit les ONG, les missions et les projets participent à la réalisation des thématiques du bulletin en apportant l'information technique et scientifique garante de la crédibilité des informations à transmettre.

Le bulletin et l'animation à partir de jeux, de découvertes du milieu ne sont pas les seuls outils. WALIA choisit l'utilisation de médias issus du patrimoine culturel car ils peuvent servir de lien entre la communauté et le milieu scolaire, nourrir l'imagination et la créativité. L'expérience a démontré l'importance des porteurs de masques et marionnettistes ainsi que des griots dans la transmission des messages environnementaux. La population non scolarisée, souvent analphabète, se reconnaît et est souvent prête à agir suite aux recommandations issues de ces jeux théâtraux.

Devant l'ampleur du succès de WALIA au Mali, l'UICN a choisi d'intégrer cette approche au sein de ses projets et programmes en Afrique de l'Ouest en faisant de l'éducation environnementale et la communication une priorité. L'important pour l'UICN et ses partenaires n'est pas de copier une recette mais bien de l'adapter aux différents milieux sociaux et naturels en tenant compte des enjeux environnementaux et des savoirs locaux.

Au Mali où la première initiative a démarré en 1985, les enjeux étaient liés à la sécheresse, la désertification et l'importance d'une zone humide indispensable pour la survie de la population. WALIA est devenue une ONG locale en 1992 et poursuit sa route avec d'autres donateurs. En 1989, l'UICN intervient à Agadez au Niger au sein de son projet dans l'Aïr Ténéré, premier parc national au cœur du Sahara, suivi de deux autres zones d'intervention : Zinder et Diffa. En 1990, c'est au tour du Burkina Faso, en 1991 du Sénégal, en 1992 de la Guinée Bissau et en 1998 du Cameroun. Tous ces projets UICN ont choisi l'approche «WALIA» et ont su lui donner une couleur locale en prenant en compte les différentes priorités et enjeux environnementaux de même que les aspects socio-culturels. Les équipes ont formé à leur tour d'autres équipes; à titre d'exemple, YEM au Cameroun a appuyé la création de IBONGA au Gabon, de NGAMBA au Congo et de KILLIFORI au Nord du Cameroun.

Dans les pays d'intervention de l'UICN se sont greffées d'autres initiatives en matière d'éducation du public et de communication environnementale, que ce soit par l'utilisation des médias locaux, de la radio, des expositions, de l'art et du cinéma. L'important est d'utiliser les ressources locales disponibles, de faire preuve de créativité et d'impliquer le milieu.

Au fil des ans (20 ans), la famille «WALIA» a évolué et a pu démontrer que le recours à tous les acteurs de la société civile ont fait d'une telle approche un outil de développement pour tous et appartenant à tous. L'éducation environnementale est une priorité pour l'Afrique et les expériences positives existent depuis plus de deux décennies; elles constituent une base pour l'éducation pour un développement durable.

Monique Trudel
12 avril 2005.

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